La fabrique de l’humanité – Pascal Boyer – 2022

Loin d’être une phase transitoire de l’histoire humaine, le conflit ethnique est plutôt un point de départ pour l’interaction entre groupes sociaux.  Le mystère est que tant de gens trouve la notion de groupe ethnique naturelle et attractive.

L’ethnicité n’est pas un état de fait, c’est un processus qui transforme les catégories sociales en des groupes cohérents. Il s’agit d’un processus cognitif, une masse d’information étant interprétée en terme ethnique.

Les gens sont moins convaincus par les assertions énoncées avec un accent étranger – même les bébés semblent se méfier des camarades dont l’accent est inhabituel.

Il existe une forte motivation pour favoriser son propre groupe, aussi artificiel soit-il (y compris les groupes pourtant arbitraire des expérimentateurs). Dans ces expériences, les participants offrent des biens symboliques ou réels et, en retour, ils s’attendent à en recevoir de la part des autres.

Il y a une panoplie de capacités et de préférences psychologiques qui semblent faire partie du bagage mental qui nous a été légué par l’évolution. C’est la psychologie coalitionnelle, qui comprend un système de détection d’alliances, qui surveille des informations du monde social en ce qui concerne les relations de solidarité ou d’affiliation entre individus.

La nature concurrentielle des coalitions tient au fait qu’il s’agit d’efforts visant à obtenir un soutien social, et celui-ci est un ‘bien rival’ : plus quelqu’un obtient quelque chose, moins cette chose est disponible.

Les groupes ethniques et les « races » sont perçus dès le départ comme s’il était en concurrence pour des ressources, comme si le bien-être de groupes rivaux est un jeu à somme nulle. On ne gagne que si quelqu’un d’autre perd. La rivalité entre groupes semble être intuitive et est immédiatement évidente pour beaucoup de gens, les représentations négatives des membres de l’autre groupe n’étant qu’une manière d’expliquer ces intuitions.

La violence est un signe de passion, mais ce n’est pas une émotion primale. Au contraire, les explosions de violence ethnique sont la preuve que la rage résulte de calculs mentaux complexes.

Thomas Hobbes, l’espèce humaine est en guerre permanente, jusqu’au moment où le souverain impose la paix, la soumission étant le prix à payer pour la sécurité.  JJ Rousseau, les communautés sont pacifiques et c’est la propriété et la civilisation qui les ont rendues violentes.

Des études montrent que les auteurs de textes descriptifs (par exemple une randonnée) sont considérés plus compétents et bien informés si les textes incluent des informations à propos de menaces.  Ce qui pourrait expliquer pourquoi les gens propagent tant de rumeurs sur des dangers potentiels (théorie du complot).

Les intuitions morales sur l’immoralité des comportements sont automatiques et largement partagées par les êtres humains. Chaque individu peut donc prédire la réaction des autres a partir de sa propre réaction. Donc la description morale d’une situation aura pour effet, bien plus que d’autres descriptions, de produire des avis congruents.  C’est aussi pourquoi beaucoup d’appel à la croisade (contre l’alcool, les étrangers, le gouvernement) décrivent la participation à l’action collective comme un impératif moral.

L’imagination ne part pas de rien, elle recycle un matériau conceptuel existant. C’est ce qui explique que l’imagination surnaturelle, la fantaisie soit aussi répétitif, souvent selon des principes implicites dérivés d’animaux réels.

Chez les Fang du Cameroun, les ngengan sont censés posséder un organe supplémentaire qui leur permet de d’interagir avec les fantômes. Cette notion d’organe supplémentaire est courante en Afrique centrale. Ailleurs les gens pensent qu’il suffit d’avoir une aptitude spéciale : les chamans ne sont pas des gens ordinaires.

Le fait d’utiliser le chaman du coin ne fait pas de vous un membre d’une communauté particulière, pas plus que de vous rendre chez le dentiste ne fait de vous un membre de la confrérie des adeptes de la chirurgie dentaire. La même remarque vaut pour le culte des ancêtres (ils sont déjà membre d’un lignage…). Ils veulent simplement que leurs récoltes soient fructueuses, que le malheur ne les frappe pas. Le plus souvent, les gens ne s’intéresse pas aux questions métaphysiques.  C’est la différence entre les traditions religieuses des sociétés de petite taille et les religions qui nous sont familières. Il n’y a pas une communauté de croyant, c’est essentiellement pour des raisons pratiques.

Tous ces cultes des ancêtres s’occupent des affaires de lignage. Ils concernent des agents surhumains locaux, lié à un groupe social particulier.

La réalité et l’importance de la guerre primitive pendant notre évolution suggèrent que certains aspects de la psychologie masculine sont adaptés aux conflits entre groupes.  Différence d’agressivité entre hommes et femmes, force physique, recrutement de circuits cérébraux différents pour gérer la coopération, a l’école garçons et filles créent des réseaux différents avec lien moins nombreux et plus forts pour les filles, plus nombreux et moins stables chez les garçons.