Alain – Jerome Perrier – 2016
Contrairement à la pensée politique contemporaine qui se pose la seule question du comment, Alain renoue avec la pensée classique qui se pose également la question du pourquoi.
La politique est la quête du meilleur régime possible en vue d’atteindre a réalisation d’une vie pleinement humaine, une vie libre, qui puisse se consacrer à ces nobles affaires que sont l’art, la religion, la philosophie.
Alain en politique : il est contraint de quitter les hauteurs de l’esprit pour ce préoccuper des affaires de la cites. Il ne sépare jamais l’activité philosophique du quotidien le plus trivial.
Une idée résumée et sans ornement, sans cette parure du langage, n’est plus une idée.
La démocratie vise à assurer la souveraineté populaire, le libéralisme s’attache à sauvegarder les droits de l’individu.
Il conçoit la démocratie comme l’affirmation d’un contrôle permanent des gouvernants par les gouvernés.
Il n’y a que l’individu qui pense ; toute assemblée est sotte : le résultat d’une foule est nécessairement pauvre en idée et riche en passions. L’assemblée des hommes fait reculer l’Humanité.
Le phénomène d’Union Sacrée car la pseudo réflexion collective constitue une voie directe vers le fanatisme.
Le grand problème de la science politique depuis toujours : faire cohabiter l’individu et le groupe.
Un thème majeur de la pensé alinienne (…) : L’individualisme est devenu pour beaucoup le bouc émissaire idéal, censé être à l’ origine de tous les maux de la société et de la civilisation moderne. (la sociétés primitives, autant qu’on peut savoir, forment des sociétés avec castes, coutumes et lois qui tiennent les individus dans un rigoureux esclavage.
La peur et le besoin d’être protégé sont les fondements ultimes du lien communautaire et de la division du travail : la cité fut militaire avant d´être économique.
Si le groupe social est comme un sorte de gros animal dangereux (un être de passion plus que de raison) qui menace l’individu (une cellule dans un grand corps), l’Etat peut être appréhendé comme un contrat « antisocial » s’interposant entre une foule dangereuse et un individu qui a le malheur de croise son chemin sans en partager les idées.
La liberté est d’abord une réalité s’attachant a la personne. Définir la liberté politique par sa dimension collective revient a inverser l’ordre logique (qui peut avoir des conséquences funestes – au nom de la liberté de la Nation, ont a souvent sacrifier celle de leurs membres).
Pour Alain, la démocratie n’est pas de faire remonter de la base une prétendue volonté collective mais un agencement des pouvoirs destiné à contrôler ces derniers afin de les empêcher d’abuser de leurs prérogatives.
L’homme n’est homme que par la société des hommes.
Ma seule prétention est de m’être nourri des grands hommes, en cherchant toujours a me hausser jusqu’à eux, plutôt qu’a les rabattre à mon niveau.
C’est en se hissant sur les épaules des géants du passe que l’on a le plus de chances de voir le plus loin : aucun homme ne pense jamais que sur les pensées d’un autre. Il fait de l’art d’admirer un mode de pensée a part entière.
Que m’importe si Platon a bien pensé ce que j’y trouve pourvu que ce que j’y trouve m’avance a comprendre quelque chose.
L’irrésolution est les plus grands des maux (Descartes). Ulysse est au milieu des flots, c’est à lui de décider s’il doit s’y mettre et nager ou s’il doit couper les cheveux en quatre et finalement sombrer.
Il cherche a montrer et jamais a démontrer. Les jugements qu’il porte sur la société de notre époque sont issus de ses observations personnelles et plus encore de ses lectures. Non pas de la lecture des sociologues patentés, ni même de celle des journaux, mais de la méditation de grands écrivains comme Dickens ou Balzac.
Bonaparte a réussi l’exploit de mettre fin a la révolution, tout en laissant en place une bonne parties du personnel révolutionnaire, et tout en ménageant certaines élites traditionnelles.
La comédie humaine (Balzac) n’a rien d’une tragédie antique ou les protagonistes sont conduits inexorablement vers un destin tracé à l’avance. Ils se débattent dans une situation de départ ou le corps et le milieu social sont autant d’obstacle à surmonter, mais ils conservent une maitrise – au moins partielle – de leur destinée. Les personnages de Balzac sont des êtres de volonté, ils ne sont pas réduit an un comportement dicté par leur position sociale.
L’extrême bourgeoisie vit dans un monde où tout est symbole. Le prolétaire vit d’actions, il est le roi des choses.
L’idée de révolution est plus répandue chez les prolétaires, les travailleurs car son travail (transformer la matière) lui laisse a penser que rien ne peut résister a la volonté humaine. A l’inverse, la nature qui entoure le paysan est plus mystérieuse, ce qui explique que dans les campagnes un rapport au monde fait de prudence domine, avec un profond respect des traditions.
Mancur Olson est parvenu à démontrer le mécanisme par lequel de petits segments de la société, très organisés et très motivés, parviennent à imposer leurs desiderata a des masses beaucoup plus vastes (mais qui s’adonnent volontiers a la stratégie du passager clandestin – l’idée que l’action d’un individu ne change rien et qu’il est donc rationnel de ne rien faire et d’attendre de bénéficier du résultat de l’action des autres.).
Pour bien comprendre Alain, il faut distinguer l’ordre et le pouvoir. Le premier renvoie a la règle, le second a la volonté.
Des que le gendarme a une vigne dans le pays, il n’est plus gendarme. Il faut donc un pouvoir abstrait, lointain, irrésistible. D’où la vertu d’une certaine centralisation a la française qui établit un pouvoir relativement impartial parce qu’en parti hors sol.
Il ne peut y avoir de gouvernants raisonnables parce que les hommes sont des êtres de passion, mus par des forces qui les conduisent bien souvent a agir contre leurs intérêts.
Tous les pouvoirs sans exception s’étendent par leur nature, et ne pensent jamais qu’a s’étendre.
Il n’y a pas de plus grande folie que de donner le pouvoir a un homme simplement parce qu’il a su gagner beaucoup d’argent. (janvier 1932). (un bon nombre d’elu qui se laissent prendre aux diamants et perles.)
Je soupçonne que l’économique, seule, est juste. La puissance économique est subordonnée au pouvoir politique – c’est une idée centrale chez Alain. Disons donc que le pouvoir que le pouvoir, dans le sens reel du mot, est essentiellement militaire qui se montre en des sociétés armées, dominées par la peur et la haine.
Alain est contre la loi des 3 ans (qui vise a augmenter a 3 ans le service militaire) : ce serait envoyer un signal belliqueux a l’Allemagne, tout en ancrant dans les esprits la possibilité d’une guerre, ce qui revient a en accroitre le risque, selon la logique de la prophétie auto réalisatrice. Le plus scandaleux dans cette guerre c’est cette saignée qui prend le meilleur sang et ne laisse pour construire le pays que les plus ruses et les planqués.
Nombre d’historiens s’accordent à considérer que le totalitarisme est très largement une conséquence de la grande guerre, et que sans la brutalisation des sociétés et la montée en puissance des appareils étatiques qui l’ont accompagnée, ce phénomène inédit n’aurait certainement pas vu le jour.
Fidélité viscérale a la mystique radicale, qui était l’autre nom de la mystique républicaine.
Le radical-socialisme et la doctrine solidariste de 1890 : il y a une dette contractée par l’individu envers la société, puisque l’individu bénéficie des progrès dus au travail et aux innovations de ceux qui l’ont précédé aussi bien que ceux qui font société avec lui, il est tacitement engagé dans un « quasi-contrat » l’’obligeant a un minimum de devoirs.
Les humanités, une excellence tamisée par le temps, pour ne retenir que le plus digne d’admiration, epuré de ce qui fait la trivialité de la vie quotidienne.
La Boétie faisait voir que le tyran ne peut rien contre la masse. Ce qui est nouveau ce n’est point le suffrage universel, c’est le suffrage secret.
Vol d’étourneaux : nulle apparence de chef : c’était le tout qui gouvernait les parties, chacun des oiseaux se trouvent gouverné et gouvernant.
Mieux qu’un vote de défiance ou une motion de censure, une commission parlementaire, avec ces auditions publiques, est le meilleur garde-fou contre toutes les espèces d’injustice.
La grande guerre a perverti le mécanisme démocratique en accroissant démesurément l’emprise de l’Etat sur la société.
La liberté n’est pas d’institution, il faut la refaire tous les jours.
Pour la plupart des sujets qui touchent la vie quotidienne, il n’y a point de droite ou de gauche, mais une majorité écrasante de citoyens qui veulent simplement être traité avec équité. En bref, quand les lois sont faites par ceux qui les subissent, tout va bien. Le pire des maux est le législateur qui travaille au bonheur des autres.
Pour Alain, c’est de la réalité qu’il faut partir, en vue de l’améliorer. Les socialistes révolutionnaires vont de l’idée (la société idéale) à la chose (la politique à mettre en œuvre).
Hayek : les sociétés contemporaines sont trop complexes pour rendre crédible l’idée de planification (une fatale limite de la connaissance) – Hayek, Nobel en 1974.
Alain déduit une critique de la vitesse selon une curieuse théorie qui voudrait que pour une vitesse double, quatre fois plus de travail, une vitesse triple, neuf fois plus de travail. Parfaitement contraire à l’idée même de gain de productivité…
Même les capitaux semblent aux yeux d’Alain, circuler avec trop d’aisance, le conduisant à prôner une monnaie de plomb qui, par la lenteur et la prudence de son usage éviteraient les crises et cycles qui sont le lot du capitalisme.
Comme Jean Jacques Rousseau, Alain considère que le luxe est a la fois un vice moral (celui qui s’y vautre est l’esclave de son ventre), une impasse économique (dépense improductive) et une tragédie sociale (la production des biens de luxe se fait au détriment des biens de première nécessité, dont beaucoup sont encore dépourvu).
La publicité est un processus de magie qui agit sur la folle imagination de l’acheteur pour engendrer chez lui des besoins artificiels. La confusion entre besoins naturels et factices est l’une des causes du productivisme effrénée de la société de consommation.
Les gigantesques bureaucraties rompent la proportion qui doit exister entre la structure humaine et l’étendu des affaires qu’un homme peut réellement diriger.
Dans la société ou règne les passions et l’urgence, l’ambition dépend de l’opinion puisqu’ une homme peut tout espérer s’il sait persuader. De la le règne des foules, mais aussi des pouvoirs forts qui sont tout a la fois adores et exécrés.
Produire n’est pas une fin. C’est une vie humaine pour tous qui est une fin, c’est l’individu libre est la fin. L’impasse à laquelle conduit la folie de produire, de gagner, de jouer. Il préfère une plus juste répartition des richesses à la production, sans être explicite sur les moyens.
Il incline toujours a conseiller une limitation des dépenses. Ils s’inscrit a contre-courant des thèses économiques qui vont triompher a la libération (Keynes). Passéisme économique de Alain (dialectique Hégélienne en vertu de laquelle la civilisation mécanique produira son contraire.)
C’est la grande dépression et rares sont les intellectuels qui voient encore un quelconque avenir au capitalisme et au libéralisme, tant économique que politique.
En négligeant trop l’histoire et en prétendant définir une politique atemporelle, les propos ne feraient que refléter une version datée et anachronique des choses.
Aron critique la morale du simple soldat. Aron juge puéril le raisonnement consistant a assimiler la sagesse au renoncement aux honneurs, l’intégrité au refus de tout pouvoir. Aron considère qu’une sélection convenable des dirigeants est une condition sine qua non du bon fonctionnement de toute démocratie.
Aron considère que Alain pensait contre le mouvement historique et que sa critique du pouvoir travaillait à affaiblir l’Etat français, alors que dans les pays voisins s’établissaient des régimes autoritaires. (Alain était conscient des limites de sa pensée politique. Il disait lui-même qu’il laissait de cote l’histoire laquelle est essentielle pour la politique)
Michel Debré, l’un des principaux rédacteur de la Ve république, va bâtir sa pensée politique en réaction a la philosophie de l’individu d’Alain qui l’avait pourtant tant séduit en premier lieu.
Alain a toujours prône une obéissance sans respect, une soumission du corps et une absolue insubordination de l’esprit.
Aron voit dans la quête de sagesse d’Alain l’une des raisons de son immense succès auprès des jeunes de l´entre-deux-guerres, en quête de solides repères éthiques après la boucherie de 14-18.
Synarchie ou le mythe du complot permanent.
S’il a jamais existé un antisémitisme latent chez Alain il n’a été remarqué par Léon Blum, ni Simone Weil (et bien d’autres auteurs juifs). Les remarques antisémites apparaissent dans son journal qui n’était nécessairement pour publication et qui apparaisse comme un exercice sans filet pour affronter toute les pensées qui lui viennent a l’esprit.
Alain a fait montre de piètre qualité d’historien, notamment dans sa manière d’appréhender le phénomène totalitaire et la course à la guerre voulue par Hitler.
Il clame l’existence d’une nature humaine universelle et immuable, à rebours de ce qu’affirmeront plus tard les sciences sociales.
Aron lui reproche son populisme, en cherchant à opposer un petit peuple et une élite nécessairement corrompue, mélangeant le registre moral et celui de l´analyse.